roseau
Vous avez bien sujet (1)d'accuser la Nature ;
Un Roitelet pour vous est un pesant fardeau. Le moindre vent qui d'aventure (2) Fait rider la face de l'eau, Vous oblige à baisser la tête :
Cependant que mon front, au Caucase pareil,
Non content d'arrêter les rayons du soleil, Brave l'effort de la tempête.
Tout vous est aquilon ; tout me semble zéphir (3).
Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage Dont je couvre le voisinage, Vous n'auriez pas tant à souffrir : Je vous défendrais de l'orage ; Mais vous naissez le plus souvent
Sur les humides bords des Royaumes du vent.
La Nature envers vous me semble bien injuste. Votre compassion, lui répondit l'Arbuste ,
Part d'un bon naturel ; mais quittez ce souci. Les vents me sont moins qu'à vous redoutables.
Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici Contre leurs coups épouvantables Résisté sans courber le dos ;
Mais attendons la fin. Comme il disait ces mots,
Du bout de l'horizon accourt avec furie Le plus terrible des enfants
Que le Nord eût porté jusque-là dans ses flancs. L'Arbre tient bon ; le Roseau plie. Le vent redouble ses efforts, Et fait si bien qu'il déracine
Celui de qui la tête au ciel était voisine,(4)
Et dont les pieds touchaient à l'empire des morts.(5)
Le chêne un jour dit au roseau :
« N'êtes-vous pas lassé d'écouter cette fable ?
La morale en est détestable ;
Les hommes bien légers de l'apprendre aux marmots.
Plier, plier toujours, n'est-ce pas déjà trop,
Le pli de l'humaine nature ? »
« Voire, dit le roseau, il ne fait pas trop beau ;
Le vent qui secoue vos ramures
(Si je puis en juger à niveau de roseau)
Pourrait vous prouver, d'aventure,
Que nous autres, petites gens,
Si faibles, si chétifs, si humbles, si prudents,
Dont