Roman comique
Le soleil avait achevé plus de la moitié de sa course, et son Char, ayant attrapé le penchant du monde, roulait plus vite qu'il lie voulait. Si ses chevaux eussent voulu profiter de la pente du chemin, ils eussent achevé ce qui restoit du jour en moins d'un demi- quart d'heure mais, au lieu de tirer de toute leur force, ils ne s'amusaient qu'à faire des courbettes, respirant un air marin qui les faisait hannir et les avertissoit que la mer était proche, où l'on dit que leur maître se couche toutes les nuits. Pour parler plus humainement et plus intelligiblement, il étoit entre cinq et six, quand une charrette entra dans les halles du Mans. Cette charrette etoit attelée de quatre boeufs fort maigres, conduits par une jument poulinière, dont le poulain allait et venoit à l’entour de la charrette, comme à petit fou. qu'il etoit. La charette était pleine de coffres, de malles, et de gros paquets de toiles peintes qui faisaient comme une pyramide, au haut de laquelle paraissait une demoiselle, habillée moitié ville, moitié campagne. Un jeune homme, aussi pauvre d'habits que riche de mine, marchait à côté de la charrette; il avait un grand emplâtre sur le visage, qui lui couvroit un œil et la moitié de la joue, et portait un grand fusil sur son épaule, dont il avait assassiné plusieurs pies, geais et corneilles, qui lui faisaient comme une bandoulière, au bas de laquelle pendaient par les pieds une poule et un oison, qui avaient bien la mine d'avoir été pris à la petite guerre. Au lieu de chapeau il n'avait qu'un bonnet de nuit, entortillé de jarretières de différentes couleurs; et cet habillement de tête était une manière de turban qui n'était encore qu'ebauché et auquel on n'avoit pas encore donné la dernière main. Son pourpoint était une casaque de grisette, ceinte avec une courroie, laquelle lui servait aussi à soutenir une epée qui était si longue qu'on ne s'en pouvoit aider adroitement sans fourchette. Il