Reichenbach, théorie de la connaissance
HANS REICHENBACH, LES TROIS TÂCHES DE L'ÉPISTÉMOLOGIE1, 1938.
Toute théorie de la connaissance doit partir de la connaissance comme d'un fait sociologique donné. Le système de la connaissance tel qu'il a été édifié par des générations de penseurs, les méthodes d'acquisition de la connaissance qui furent employées par le passé ou qui le sont aujourd'hui, les buts de la connaissance tels qu'ils sont exprimés par la démarche de la recherche scientifique, le langage dans lequel la connaissance est exprimée
– tout cela nous est donné de la même façon que n'importe quel autre fait sociologique tel que les coutumes sociales, les habitudes religieuses ou les institutions politiques. Le matériau de base qui est à la disposition du philosophe ne diffère pas de ce dont dispose le sociologue ou le psychologue, puisque si la connaissance n'était pas incarnée dans des livres, des discours et des actions humaines, nous en ignorerions tout. La connaissance est donc une chose très concrète; en examiner les propriétés signifie étudier les caractéristiques d'un phénomène sociologique.
Nous appellerons descriptive la première tâche de l'épistémologie – tâche qui consiste à donner une description de la connaissance telle qu'elle est réellement. Il s'ensuit que l'épistémologie forme, à cet égard, une partie de la sociologie. Mais ce qui constitue le domaine de l'épistémologie n'est qu'un groupe particulier des questions relatives au phénomène sociologique « connaissance ». Ce sont des questions telles que celles-ci :
« quelle est la signification des concepts utilisés dans la connaissance ? » ; « quelles sont les présuppositions qui sont contenues dans la méthode de la science ? »; « comment savons-nous si un énoncé est vrai, et le savons-nous d'ailleurs jamais? » ; ainsi que de nombreuses autres questions; et bien que ces questions concernent le phénomène sociologique « science », elles sont d'un type