Quelques aspects de la merencolie de charles d’ orleans
ISSN: 1139-9368
Quelques aspects de la Merencolie de Charles d’ Orleans
PILAR ANDRADE BouÉ
UCM
Depuis plusieurs années, les historiens et critiques de la littérature orn commencé it lever les voiles d’une époque un peu fantomatique ou méconnue de notre histoire, la fin du moyen áge. Les XIVe et XVe siécles se sont dégagés ainsi peu it peu de la malédiction que leur auraient imprimés les sceaux de la peste noire et de tipo que de transition, et un nouveau continent littéraire est apparu, riche de la fecondité de trois siécles de culture, mais aussi raviné par les signes avant-coureurs d’une vision du monde et d’une sensibilité en crise. Car ces síecles éprouvent, en effet, la premiére grande crise de la conscience modeme, qui est la crise de la conscience médiévale. On sait que les valeurs, les idées et les réalités sur lesquelles une civilisation reposait jusque lors changent et basculent, for9ant it un moulage nouveau de la perception du monde et de 1’homme; ceci produit un sentiment d’abandon et méme d’angoisse, ainsi que, parallélement, un certain optimisme quant aux possibilités de renouvellement, surtout au XVe siécle. En fait, on a pu également dépister cetie double face de fin d’une époque et débul d’une autre lors de la deuxiéme crise du monde occidental, dans les derniéres décennies du XVIII siécle. Les romantiques fran9ais l’avaient bien ressenti, tel Chateaubriand lan9ant la célébre allégorie des deux statues dans son René, ou Musset dressant une belle image en trois temps: le passé, s’agitant encore sur ses mines, l’avenir, I’aurore d’un immense horizon, et le présent, une mer houleuse oit l’on ne sait si Ion marche sur une semence ou sur un débris’. Cette bipolarité n’est sans doute pas le seul point commun de deux ¿poques que trois autres siécles écartent. II existe surtout un état d’áme particulier partagé par toutes ces décades difficiles: c’est l’expérience de la