Si prosaïquement, c’est la ciguë qui a tué Socrate, les causes profondes de sa mort sont à chercher ailleurs. La raison la plus simple face à cet abandon est peut-être l’âge de Socrate : en effet, lors de son procès, il a déjà soixante-dix ans – un âge honorable pour cette époque ! – et la mort naturelle n’est peut-être plus si loin. Alors pourquoi s’évertuer à être innocenté alors que le juge universel tape presque à la porte ? Pourquoi se déshonorer à pleurnicher auprès de juges pour n’obtenir qu’un sursis provisoire ? Et puis, pourquoi craindre la mort lorsqu’elle paraît en tout point plus alléchante que la vie ? Socrate pense ainsi qu’il « n’y a pas de mal possible pour l’homme de bien » ; comme il se considère comme tel, il n’a à craindre aucune souffrance après la mort.
Par ailleurs, la sentence des juges a probablement été largement influencée par le fait que Socrate ne cherche pas à échapper à la mort : tout ce qu’il souhaite c’est qu’on reconnaisse son innocence. Jamais il ne supplie les juges de l’acquitter, et il répète à de nombreuses reprises qu’il ne craint pas la mort ni ne la fuit – par exemple lors de batailles. De plus, il se joue des juges, se moquant largement d’eux et d’Athènes, ce qui n’aura probablement pas manqué de les agacer – et ainsi de les encourager à voter contre lui. Son ironie se poursuit – s’intensifie même – après sa condamnation. Alors qu’il aurait pu proposer l’exil, il préfère se moquer de la justice athénienne ; car s’exiler selon lui ne serait qu’étendre sa sphère de « corruption », entraînant de nouveaux procès, cette fois en contrées ennemies – donc supposées moins clémentes. On peut de plus penser que Socrate ait été trop attaché à sa cité – qu’il ne quittât que lors de batailles – pour l’abandonner, bien que sa désillusion pour la justice pût contrebalancer son jugement.
En conclusion, ce qui a probablement tué Socrate, c’est sa volonté de mourir, devant l’absence d’autres options envisageables qui seraient adaptées à