présentation
Irène s'étire sur sa chaise longue, entrouvre les yeux, bâille longuement et pouffe :
- Oh ! pardon ! Je n'ai pas mis ma main devant ma bouche.
Elle me considère, mi-confuse, mi-railleuse.
- Quelle importance ? dis-je.
- Pour vous, je suis sûre que ça en a.
- Mais non ! On dirait que ça ne me...
Irène a tendance à me croire à cheval sur les convenances et très pudibond. Tant mieux ! Parfait ! Je n'aime pas que l'on me connaisse trop. Je préfère rester pour elle un iceberg : un cinquième visible et le reste immergé.
Au début, je cherchais toujours à m'expliquer, je sautais sur les rares occasions qu'elle me donnait de parler de moi. Mais maintenant, c'est fini et je préfère changer de conversation. Je désigne la fenêtre du premier étage de la villa :
- Georges fait sa sieste ?
- Oui.
- Pourquoi ne la fait-il pas dans le jardin ?
- À cause du soleil.
Je me retiens de ne pas hausser les épaules : le soleil d'automne, à Bouville, n'a jamais tué personne. Mais après tout, si je me trouve seul avec Irène dans le jardin et assuré d'un peu de tranquillité, je devrais être le dernier à m'en plaindre.
Mais je ne suis jamais seul avec Irène, ni dans le jardin d'ailleurs : la présence de Georges rôde toujours entre nous et elle ne pense qu'à Georges.
- Il fait bon, dit-elle. Jamais on ne se croirait au mois de septembre au bord de la Manche ! Quel beau week-end ! C'est si gentil de nous avoir invités tous les deux. Vous savez que vous êtes un ami délicieux, mon petit Bernard ?
- Oh ! pour ça, oui, je le sais. Je suis gentil, délicieux et charmant. Un ami.
Elle a refermé les yeux. Elle doit penser à Georges. Un demi-sourire trotte sur ses lèvres. Le visage d'une femme comblée... Enfin presque... Je suppose que le mariage lui aurait mieux convenu qu'une aventure, mais Georges lui interdit même d'y penser. Derrière mes lunettes