Proust
De ce poste élevé elle participait avec entrain à la conversation des fidèles et s'égayait de leurs " fumisteries " , mais depuis l'accident qui était arrivé à sa mâchoire, elle avait renoncé à prendre la peine de pouffer effectivement et se livrait à la place à une mimique conventionnelle qui signifiait, sans fatigue ni risques pour elle, qu'elle riait aux larmes. Au moindre mot que lâchait un habitué contre un ennuyeux ou contre un ancien habitué rejeté au camp des ennuyeux - et pour le plus grand désespoir de M. Verdurin qui avait eu longtemps la prétention d'être aussi aimable que sa femme, mais qui, riant pour de bon, s'essoufflait vite et avait été distancé et vaincu par cette ruse d'une incessante et fictive hilarité -, elle poussait un petit cri, fermait entièrement ses yeux d'oiseau qu'une taie commençait à voiler, et brusquement, comme si elle n'eût eu que le temps de cacher un spectacle indécent ou de parer à un accès mortel, plongeant sa figure dans ses mains qui la reco uvraient et n'en laissaient plus rien voir, elle avait l'air de s'efforcer de réprimer, d'anéantir un rire qui, si elle s'y frit abandonnée, l'eût conduite à l'évanouissement. Telle, étourdie par la gaîté des fidèles, ivre de camaraderie, de médisance et d'assentiment, Mme Verdurin, juchée sur son perchoir, pareille à un oiseau dont on eût trempé le colifichet (3) dans du vin chaud, sanglotait d'amabilité.
les obsevations:
Pour commenter cet extrait, il faut partir du constat qu’il s’agit d’une description.Cette description montre le fonctionnement d’un samon aristocrattique qu début du siècle.Mais en détaillant l’étude du texte, on constate qu’il s’agit surtout d’une description de Mme