Prohibition de l'inceste
Fidèle à sa méthode, Durkheim propose en premier lieu une analyse génétique. « Pour bien comprendre une pratique ou une institution, écrit-il, […] il est nécessaire de remonter aussi près que possible de ses origines premières » (p.23). L’appréhension historique permet à Durkheim de déconstruire la vision commune de la prohibition de l’inceste. Celle-ci n’est en rien l’interdiction faite à des consanguins d’entretenir des relations sexuelles. Il s’agit de l’obligation pour des individus de contracter des alliances hors de leur groupe. C’est que Durkheim n’aborde pas la prohibition de l’inceste sous son seul angle négatif. Il sait aussi y voir un corollaire positif, à savoir l’impératif d’exogamie. Or selon lui, l’exogamie trouve son origine dans un mode d’organisation sociale primaire qui serait à la source de tous les autres : le clan. L’existence de celui-ci est basée sur la croyance partagée en un ancêtre commun représenté par un totem. Un clan, écrit Durkheim, est « un groupe d’individus qui se considèrent comme parents les uns des autres, mais qui reconnaissent exclusivement cette parenté à ce signe très particulier qu’ils sont porteurs d’un même totem. Le totem lui-même est un être […] dont le groupe est censé être descendu » (p.25). L’exogamie est donc la règle en vertu de laquelle il est interdit aux membres d’un même clan de s’unir entre eux (p.25).
Mais quelle est donc l’origine de la règle d’exogamie ? Pour Durkheim, les théories avancées jusqu’à lui pour répondre à cette question pèchent par un défaut de mise en perspective historique et