poème
Je voyais près d’Iris couler mes heureux jours:
Iris que j’aime encore, et que j’aimerai toujours,
Brûlait des mêmes feux dont je brûlais pour elle:
Quand, par l’ordre du ciel, une fièvre cruelle
M’enleva cet objet de mes tendres amours;
Et, de tous mes plaisirs interrompant le cours,
Me laissa de regrets une suite éternelle.
Ah! qu’un si rude coup étonna mes esprits!
Que je versais de pleurs! que je poussais de cris!
De combien de douleurs ma douleur fut suivie!
Iris, tu fus alors moins à plaindre que moi:
Et, bien qu’un triste sort t’ait fait perdre la vie,
Hélas! en te perdant j’ai perdu plus que toi.
Toi que le ciel jaloux ravit dans son printemps,
Toi de qui je conserve un souvenir fidèle
Vainqueur de la mort et du temps,
Toi dont la perte, après dix ans,
M’est encore affreuse et nouvelle ;
Si tout n’est pas détruit, si sur les sombres bords
Ce souffle si caché, cette faible étincelle,
Cet esprit, le moteur et l’esclave du corps,
Ce je ne sais quel sens qu’on nomme âme immortelle,
Reste inconnu de nous, est vivant chez les morts ;
S’il est vrai que tu sois, et si tu peux m’entendre,
Ô mon cher Genonville, avec plaisir reçois
Ces vers et ces soupirs que je donne à ta cendre,
Monument d’un amour immortel comme toi.
Il te souvient du temps où l’aimable Egérie,
Dans les beaux jours de notre vie,
Ecoutait nos chansons, partageait nos ardeurs.
Nous nous aimions tous trois ; la raison, la folie,
L’amour, l’enchantement des plus tendres erreurs,
Tout réunissait nos trois cœurs.
Que nous étions heureux ! même cette indigence,
Triste compagne des beaux jours,