Poème
J’étais enfin arrivée où tu m’avais donné rendez-vous. Cela faisait seulement cinq jours que j’étais déjà venue ici , et pourtant, cet endroit me semblait tellement différent que je crus m’être égarée : la semaine dernière, la nature était encore frigorifiée, bien emmitouflée dans son épais manteau blanc. Il n’y avait aucun bruit, tout était tellement calme, comme mort.
Aujourd’hui, la nature avait entrouvert son manteau, réchauffée par les premiers rayons du soleil. A droite, de l’eau clapotait : un petit ruisseau avait repris son chemin qu’il avait interrompu trois mois durant. Il chantait gaiement , heureux de reprendre sa route vers la mer. Derrière lui, les arbustes frissonnaient : ils avaient retiré leur écharpe protectrice mais n’avaient pas encore enfilé leur gilet de feuilles. A ces bruits s’ajoutait le gazouillis des oiseaux perchés sur les branches des arbres. Ils faisaient leurs gammes en préparation de la fête de la musique prévue le premier jour de l’été.
Mais il n’y avait néanmoins pas que l’arrivée des bruits qui me rendait cet endroit inconnu. Non, tout avait changé : la nature avait perdu sa monochromie impersonnelle pour une abondance de couleurs. Le ciel d’un bleu méditerranéen donnait la réplique à un sol vert tendre, agrémenté de perce-neige blancs et violets. La montagne avait perdu sa blancheur virginale : elle avait donné la Vie. Devant moi, à quelques pas, une marmotte sortit de son terrier. Elle s’étira longuement, me vit d’un coup et se redressa sur ses pattes arrière, prête à donner l’alarme. Puis, comme je ne bougeais pas, elle partit lentement, s’arrêtant çà et là pour manger quelques brins d’herbe. Un peu plus loin, se trouvait un lit jaune : des coucous avaient envahi la prairie. Quelque chose les faisait bouger par intermittence. Je m’approchai sans bruit et découvris une petite vipère qui se promenait sans but apparent. La Vie avait repris le dessus : l’hiver était