Poeme pierre ronsard
Amours de Marie
Marie , levez-vous, ma jeune paresseuse,
Jà la gaie alouette au ciel a fredonné,
Et jà le rossignol doucement jargonné,
Dessus l’épine assis, sa complainte amoureuse.
Sus debout ! allons voir l’herbelette perleuse,
Et votre beau rosier de boutons couronné,
Et vos œillets mignons auxquels aviez donné,
Hier au soir, de l’eau d’une main si soigneuse.
Harsoir en vous couchant vous jurâtes vos yeux
D’être plus tôt que moi ce matin éveillée ;
Mais le dormir de l’Aube aux filles gracieux
Vous tient d’un doux sommeil la paupière sillée.
Je vais baiser vos yeux et votre beau tétin
Cent fois pour vous apprendre à vous lever matin.
Comme on voit sur la branche au mois de mai, la rose,
En sa belle jeunesse, en sa première fleur,
Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur,
Quand l’aube de ses pleurs au point du jour l’arrose;
La grâce dans sa feuille, et l’amour se repose,
Embaumant les jardins et les arbres d’odeur ;
Mais battue ou de pluie ou d’excessive ardeur,
Languissante elle meurt feuille à feuille déclose.
Ainsi en ta première et jeune nouveauté,
Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté
La Parque t’a tuée, et cendre tu reposes.
Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs,
Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs,
Afin que, vif et mort, ton corps ne soit que roses.
XVI e