Planche

877 mots 4 pages
«De combien est ta cote R ?», «Qu’est-ce qu’il fait dans la vie ?», «Qu’est-ce qui te fait croire que tu es assez bien pour elle ?», «Tu ne peux pas entrer ici, t’as pas de cravate !», «Tu n’as pas ta place ici, t’as une cravate !», «Qu’est-ce que les voisins vont penser ?»… N’a-t-on pas déjà entendu des choses dans ce genre ? Et toutes ces fois où tout ce qu’on veut savoir, ce n’est pas «si cela a de la valeur en soi», mais «si ça paye». Est-ce que nos conclusions ne sont pas parfois un peu trop vite faites? Rousseau avait une position claire sur l’attention qu’on porte au «paraître» : le souci pour le «paraître», c’est ce qui vient corrompre la nature humaine. Il faut dire que son jugement à propos de la société et du «paraître» était d’autant plus tranché qu’il considérait qu’à l’origine, l’être humain était naturellement bon… Mais c’est là un jugement d’interprétation (de valeur). Peut-être qu’il n’est ni fondamentalement bon, ni fondamentalement mauvais, mais qu’il est un amalgame des deux, tissé par ses actions. C’est un peu ce qu’on retrouve dans l’existentialisme de Sartre. «L’enfer, c’est les autres», et réciproquement nous sommes un enfer pour les autres. Ici, il n’y a plus de distinction claire entre «être» et «paraître» : les jugements sur les autres comme sur nous-mêmes sont toujours déformés et déformants – et puis, «qui» l’on «est» se trouve à être en perpétuelle redéfinition. De là le caractère en partie aliénant des autres, de là l’origine de la culpabilité humaine. Mais les autres ne sont pas qu’un enfer : Sartre affirme aussi que la joie profonde de l’amour vient du fait qu’on se sent alors justifié d’exister. Comme si le fait d’être aimé donnait plus de sens à notre vie, comme si le fait de compter pour d’autres et de sentir qu’on fait une différence pour eux donnait un surplus de sens à notre vie. Pas évident à départager, tout ça. D’ailleurs, les choses ne sont peut-être jamais tout à fait tranchées. Ça me fait penser à ces

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