Oral francais
Acte 2, scène 1
(Ciuta se retire. – Entre Marianne.)
OCTAVE
Belle Marianne, vous dormirez tranquillement. — Le cœur de Coelio est à une autre, et ce n’est plus sous vos fenêtres qu’il donnera ses sérénades.
MARIANNE
Quel dommage et quel grand malheur de n’avoir pu partager un amour comme celui-là ! voyez comme le hasard me contrarie ! Moi qui allais l’aimer.
OCTAVE
En vérité !
MARIANNE
Oui, sur mon âme, ce soir ou demain matin, dimanche au plus tard, je lui appartenais. Qui pourrait ne pas réussir avec un ambassadeur tel que vous ? il faut croire que sa passion pour moi était quelque chose comme du chinois ou de l’arabe, puisqu’il lui fallait un interprète, et qu’elle ne pouvait s’expliquer tonte seule.
OCTAVE
Raillez, raillez, nous ne vous craignons plus.
MARIANNE
Ou peut-être que cet amour n’était encore qu’un pauvre enfant à la mamelle, et vous, comme une sage nourrice, en le menant à la lisière, vous l’aurez laissé tomber la tête la première en le promenant par la ville.
OCTAVE
La sage nourrice s’est contentée de lui faire boire d’un certain lait que la vôtre vous a versé sans doute, et généreusement ; vous en avez encore sur les lèvres une goutte qui se mêle à toutes vos paroles.
MARIANNE
Comment s’appelle ce lait merveilleux ?
OCTAVE
L’indifférence. Vous ne pouvez aimer ni haïr, et vous êtes comme les roses du Bengale, Marianne, sans épines et sans parfum.
MARIANNE
Bien dit. Aviez-vous préparé d’avance cette comparaison ? Si vous ne brûlez pas le brouillon de vos harangues, donnez-le-moi, de grâce, que je les apprenne à ma perruche.
OCTAVE
Qu’y trouvez-vous qui puisse vous blesser ? Une fleur sans parfum n’en est pas moins belle ; bien au contraire, ce sont les plus belles que Dieu a faites ainsi ; et le jour où, comme une Galatée d’une nouvelle espèce, vous deviendrez de marbre au fond de quelque église, ce sera une charmante statue que vous ferez et qui ne laissera pas que de trouver quelque niche