« PORTE MON NEZ »
J’étais dans ma chambre, je dansais libre, léger, je m’imaginais en oiseau survolant le monde.
8h sonna à l’horloge, comme chaque soir dès que maman criait à travers toute la maison que le diner était servi, nous descendions au garde à vous, en file indienne, la tête baissée et nous allions rejoindre notre place bien définie, elle qui nous avait été attribuée depuis notre plus jeune âge par mon père.
Le patron, le tyran, le chef de toute notre petite armée, assis en bout de table, comme d’habitude, de tel façon que ce grand patriarche puisse avoir une vue d’ensemble sur tous nos faits et gestes. Il n’avait jamais voulu nous emmener ou que ce soit. Quelques fois on lui demandait d’aller à la fête foraine ou à un parc de jeux pour enfants mais on essuyait toujours un refus. Et aucune liberté dans nos mouvements ne nous était autorisée. Les mains sur la table nous attendions d’être servis. Mais mon frère ne put se retenir.
« Enfin ! Qu’est-ce que c’est que ces manières ?!! Depuis quand commencent on a mangé avant que tout le monde soit servi ?! Un peu de respect quand même » hurla mon père à Randy de sa voix rauque.
Comme tous mes frères je ne puis m’empêcher de sourire. Il n’en fallu pas plus à mon père pour se lever brutalement, pousser sa chaise d’un geste violent, et s’approcher de moi pour me dire avec sa voix d’ours : * « Et toi ?!! Ça te fait rire gros nez ? »
Tel était mon surnom. Tous savaient que j’étais très complexé de mon nez et s’est ainsi qu’il se vengeait sur moi. Je détestai ce nez comme je détestais mon père, qui finalement me l’avait donné.
C’en était trop ! Cela faisait trop longtemps déjà que je gardais ça en moi. J’en avais assez d’entendre cet éternel refrain. Cette colère qui bouillait en moi était plus forte que la peur de répondre, ce que je n’aurais jamais osé faire auparavant. Ce fit la fois de trop. Cette seule parole était la goutte qui fit déborder le vase. J’explosais : * « Mais à ton avis, qui est –ce