nouvelle fantastique
La musique souvent me prend comme une mer,
Vers ma pâle étoile,
Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther,
Je mets à la voile ;
La poitrine en avant et les poumons gonflés
Comme de la toile,
J’escalade le dos des flots amoncelés
Que la nuit me voile ;
Je sens vibrer en moi toutes les passions
D’un vaisseau qui souffre ; Le bon vent, la tempête et ses convulsions
Sur l’immense gouffre
Me bercent. D’autres fois, calme plat, un grand miroir
De mon désespoir !
J’ai choisi ce poème parce que j’aime la musique. Mais dans celui-ci, Baudelaire ne parle pas de musique ni en spécialiste, ni en critique, ni en musicien mais en ignorant, pris par une transe indescriptible : « Me prend »(V.1).L’émotion est plus violente car Baudelaire est ignorant donc plus aisément séduit. Quand il est pris par la musique, Baudelaire est le plus heureux des hommes, il redevient un enfant bercé par la mélodie.
L’ENNEMI
Ma jeunesse ne fut qu’un ténébreux orage,
Traversé ça et là par de brillants soleils ;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu’il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.
Voilà que j’ai touché l’automne des idées,
Et qu’il faut employer la pelle et les râteaux
Pour assembler à neuf les terres inondées,
Où l’eau creuse des trous grands comme des tombeaux.
Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ?
-Ô douleur ! ô douleur ! Le Temps mange la vie,
Et l’obscur Ennemi qui nous ronge le cœur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie !
L’ennemi est révélateur de l’angoisse de Baudelaire quand il constate les ravages du temps sur son organisme. L’écriture apparaît alors comme un remède à l’usure du temps et au dégoût qu’inspire au poète sa dégradation progressive. Le poète survit alors par la parole.
L’ALBATROS
Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux