Tartuffe, un aventurier talentueux s’entiche de la famille la plus parfaite ; celle d’un banquier. Famille exemplaire ? Voyons plutôt : une maîtresse de maison, pleine de feu, bien plus jeune que son mari. Le fils, un fat, qui ronge son frein dans l’ombre du père. Une fille ingénue, sexy et curieuse, aux talents prometteurs... Le banquier enfin, le maître ; un homme du monde, roi de la phynance, juge averti qui gère et veille sur les intérêts de centaines de familles ; la pièce maîtresse, la fondation de la société moderne. Nous oublions sa mère ; une vieille despote, fanatique religieuse qui ne jure que par Tartuffe ! Ajoutons une servante impertinente et un médiateur mi philosophe mi moraliste gendre du banquier, les deux esprits vraiment sensés du groupe et vous obtenez le bouillon de culture le plus goûté pour une comédie au vitriole... Sans aucun doute l’oeuvre techniquement la plus parfaite de Molière. Un régal lorsque l’on doit la mettre en scène ! Vous n’avez rien à faire ou presque ; le mécanisme fonctionne au millimètre ; changez quelque chose et les ennuis commencent ; l’édifice s’effondre.
L’intrigue est annoncée par la servante dès la première scène ; le maître de maison est devenu fou ; sous l’emprise de Tartuffe et de sa mère, il renonce à tous ses devoirs et se voue au mysticisme chrétien le plus éhonté... Les libertés sont supprimées, le contrôle des âmes se fait insupportable, les châtiments sont de plus en plus disproportionnés, l’existence de dieu se prouve par les moyens les plus extravagants ! La destruction de l’ordre établi est inéluctable et celui-ci sera bientôt remplacé par les Tables de la Loi ; par la lecture littérale des livres sacrés, c’est à dire par le fanatisme. Il leur faut réagir et démasquer l’hypocrisie de Tartuffe qui, grâce au levier de la religion, a trouvé le moyen d’éventrer les coffres forts du banquier (dans son aveuglement, celui-ci veut en faire son gendre) et de lui chiper sa femme, qui, la pauvre, ne jouit plus