Mort à crédit
1. Le langage de Céline
Céline révolutionne le récit romanesque traditionnel, jouant avec les rythmes et les sonorités, dans ce qu'il appelle sa « petite musique ». Le vocabulaire à la fois argotique et scientifique, familier et recherché, est au service d'une terrible lucidité, oscillant entre désespoir et humour, violence et tendresse4.
(1) RÉ !.. fa !... sol dièze !... mi !... Merde ! 5
L’exemple (1) donne un bon exemple d’utilisation du rythme combiné avec d’une part des termes musicaux et d’autre part un juron. L’auteur a transformé le terme musical
« dièse » au « dièze » probablement faisant une référence à l’oeuvre de Jules Verne, M.
Ré-Dièze et MlleMi-Bémoll. La langue célinienne suit ainsi de multiples pratiques, et la thématique métaphorique de la métamorphose domine le texte. Il écrit sans craindre le jeu de mots qui produit l’ambiguïté syntaxique et n’évite pas non plus le pléonasme, c’est-à-dire les redondances maladroites qui relèvent plutôt de la grammaire ou de la lexicologie. Une attitude puriste consiste à condamner l’emploi de tournures comme et, puis, alors, après, termes qui de toute manière ne présentent pas d’intérêt stylistique.
Malgré tout, il arrive que de tels pléonasmes grammaticaux émettent une résonance expressive. C’est ainsi que Céline écrit :
(2) De la prison on en sort vivant, pas de la guerre.6
Nous pouvons penser à première vue que la présence inutile du pronom en reflète simplement le niveau de langue que l’auteur a choisi. D’autre part, le pléonasme ne manque pas de pertinence syntaxique, car lorsque le parler populaire commence une phrase par une inversion (ici celle du complément), il compense la mise en suspense du sens général par l’emploi d’un pronom de rappel.7Céline n’avait jamais cherché à se définir comme un écrivain. Mais il n’empêche qu’il possède le sens de la satire universelle :
(3) Les idées, rien n'est plus vulgaire. Les encyclopédies sont pleines d'idées, il y