Montaigne, ma librairie.
Elle est au troisième étage d’une tour. Le premier c’est ma chapelle, le second une chambre et sa suite, où je me couche souvent, pour être seul. Au dessus, elle a une grande garde-robe. C’était au temps passé le lieu le plus inutile de ma maison. Je passe là la plupart des jours de ma vie, et la plupart des heures du jour. Je n’y suis jamais la nuit. A sa suite est un cabinet assez poli, capable à recevoir du feu pour l’hiver, très plaisamment percé. Et, si je ne craignais non plus le soin que la dépense, le soin qui me chasse de toute besogne, je pourrais facilement coudre à chaque côté une galerie de cent pas de long et douze de large, à plein pied, ayant trouvé tous les murs montés pour un autre usage, à la hauteur qu’il me faut. Tout lieu retiré recquiert un promenoir. Mes pensées dorment si je les assis. Mon esprit ne va si les jambes ne l’agitent. Ceux qui étudient sans livres, en sont tous là. La figure en est ronde et n’a de plat que ce qu’il faut à ma table et à mon siège, et vient m’offrant en se courbant, d’une vue, tous mes livres, rangés à cinq degrés tout à l’environ. Elle a trois vues de riche et simple prospect, et seize pas de vide en diamètre. En hiver, j’y suis moins régulièrement : car ma maison est juchée sur un tertre comme dit son nom, et n’a point de pièce plus éventée que celle-ci ; qui me plaît d’être un peu pénible et à l’écart, tant pour le fruit de l’exercice que pour reculer de moi la presse. C’est là mon siège. J’essaie de m’en rendre la domination pure, et à soustraire ce seul coin à la communauté et