Marseille
3 Et ses mâts en pleine ville qui disputent les passants,
4 Ses tramways avec leurs pattes de crustacés sont luisants d’eau marine,
5 Le beau rendez-vous de vivants qui lèvent le bras comme pour se partager 6 le ciel,
7 Et les cafés enfantent sur le trottoir hommes et femmes de maintenant avec 8 leurs yeux de phosphore,
9 Leurs verres, leurs tasses, leurs seaux à glace et leurs alcools,
10 Et cela fait un bruit de pieds et de chaises frétillantes.
11 Ici le soleil pense tout haut, c’est une grande lumière qui se mêle à la 12 conversation,
13 Et réjouit la gorge des femmes comme celle des torrents dans la montagne,
14 Il prend les nouveaux venus à partie, les bouscule un peu dans la rue,
15 Et les pousse sans un mot du côté des jolies filles.
16 Et la lune est un singe échappé au baluchon d’un marin
17 Qui vous regarde à travers les barreaux légers de la nuit.
18 Marseille, écoute-moi, je t’en prie, sois attentive,
19 Je voudrais te prendre dans un coin, te parler avec douceur,
20 Reste donc un peu tranquille que nous nous regardions un peu
21 O toi toujours en partance
22 Et qui ne peut t’en aller,
23 A cause de toutes ces ancres qui te mordillent sous la mer. Introduction Jules Supervielle, dans son recueil Débarcadères, publié en 1927, peint de nombreux paysages marins et côtiers. Dans le poème « Marseille » rédigé en vers libres, il propose une description minutieuse et élogieuse de la cité phocéenne, chère à son coeur. Quelle image de Marseille se dégage du poème? Nous verrons tout d'abord comment Marseille est décrite par le poète, puis quelle relation le poète entretient avec Marseille. I – Éloge de Marseille Le poète veut proposer une description précise, sensuelle et affective de la ville. A – Une description minutieuse Le regard du poète cherche à englober