Marivaux Le Petit Ma Tre Corrig Acte I Sc Ne1 Repr
COMÉDIE en TROIS ACTES et en PROSE de MARIVAUX
Représentée pour la première fois le 6 novembre 1734 par les Comédiens Français (et publiée en 1739).
ACTEURS.
LE COMTE, père d'Hortense.
LA MARQUISE.
HORTENSE, fille du Comte.
ROSIMOND, fils de la Marquise.
DORIMÈNE.
DORANTE, ami de Rosimond.
MARTON, suivante d'Hortense.
FRONTIN, valet de Rosimond.
La scène est à la campagne dans la maison du comte.
ACTE I,
SCÈNE PREMIÈRE
Hortense, Marton
MARTON.
Eh bien, Madame, quand sortirez-vous de la rêverie où vous êtes ? Vous m'avez appelé, me voilà, et vous ne me dites mot.
HORTENSE.
J'ai l'esprit inquiet.
MARTON.
De quoi s'agit-il donc ?
HORTENSE.
N'ai-je pas de quoi rêver ? On va me marier, Marton.
MARTON.
Eh vraiment, je le sais bien, on n'attend plus que votre oncle pour terminer ce mariage ; d'ailleurs, Rosimond, votre futur, n'est arrivé que d'hier, et il faut vous donner patience.
HORTENSE.
Patience, est-ce que tu me crois pressée ?
MARTON.
Pourquoi non ? On l'est ordinairement à votre place ; le mariage est une nouveauté curieuse, et la curiosité n'aime pas à attendre.
HORTENSE.
Je différerai tant qu'on voudra.
MARTON.
Ah ! Heureusement qu'on veut expédier !
HORTENSE.
Eh ! Laisse-là tes idées.
MARTON.
Est-ce que Rosimond n'est pas de votre goût ?
HORTENSE.
C'est de lui dont je veux te parler. Marton, tu es fille d'esprit, comment le trouves-tu ?
MARTON.
Mais il est d'une jolie figure.
HORTENSE.
Cela est vrai.
MARTON.
Sa physionomie est aimable.
HORTENSE.
Tu as raison.
MARTON.
Il me paraît avoir de l'esprit.
HORTENSE.
Je lui en crois beaucoup.
MARTON.
Dans le fond, même, on lui sent un caractère d'honnête homme.
HORTENSE.
Je le pense comme toi.
MARTON.
Et, à vue de pays, tout son défaut, c'est d'être ridicule.
HORTENSE.
Et c'est ce qui me désespère, car cela gâte tout. Je lui trouve de si sottes façons avec moi, on dirait qu'il dédaigne de me plaire, et qu'il croit qu'il ne serait pas du bon air de