Livres
Depuis plusieurs mois j’assistais à cette séance qui se renouvelait trois fois par jour, mais je ne m’y habituais toujours pas. Au contraire, ce spectacle m’irritait chaque jour davantage, et la nuit ma conscience me reprochait de n’avoir pas eu le courage de protester. Combien de fois ne m’étais-je pas juré de délivrer mon âme et de dire ce que j’avais à dire ! Mais l’attitude nonchalante et réservée de mon compagnon faisait de lui le dernier homme avec lequel on pût se permettre une certaine indiscrétion. Je connaissais ses dons exceptionnels et ses qualités peu communes qui m’en imposaient : à le contrarier, je me serais senti timide et maladroit.
Pourtant, cet après-midi-là, je ne pus me contenir. Était-ce la bouteille du Beaune que nous avions bue à déjeuner ? Était-ce sa manière provocante qui accentua mon exaspération ? En tout cas, il me fallut parler.
« Aujourd’hui, lui demandai-je, morphine ou cocaïne ? »
Ses yeux quittèrent languissamment le vieux livre imprimé en caractères gothiques qu’il tenait