Les travailleurs
Sous la main du planteur elle annonce le jour.
Sa voix lente, roulant dans les creux des vallées,
Remonte, appelant l'homme aux travaux du labour.
Les Noirs, à son appel, quittent les toits de chaume,
Secouant à leur front un reste de sommeil.
Le firmament sourit et la savane embaume ;
Mais pour l'esclave est-il des fleurs et du soleil ?
Ils viennent, on les compte, et le Maître gourmande ;
La glèbe aride attend leurs fécondes sueurs.
Ils s'éloignent, suivis du Chef qui les commande,
Et la plaine a reçu l'essaim des travailleurs.
Vois-tu ce Commandeur, hélas ! comme eux esclave,
Du fouet armé, debout sous l'arbre du chemin ?
Un chien est à ses pieds ; lui, sur un bloc de lave,
Il surveille pensif son noir bétail humain.
Le fer creuse et gémit ; la bande aux bras d'athlètes
Fouille le sol brûlant sous l'astre ardent et clair ;
Parmi les blonds roseaux luisent les noires têtes ;
L'oiseau libre et joyeux passe en chantant dans l'air !
O dure servitude ! ô sort ! ô lois cruelles !
Au joug de l'homme ainsi l'homme se voit plier !
Ah ! loin de ces tableaux navrants ouvrons nos ailes !
Fuyons, doux bengali ! fuyons pour oublier !
Paysages
L'air est trois fois léger. Sous le ciel trois fois pur,
Le vieux bourg qui s'effrite en ses noires murailles
Ce clair matin d'hiver sourit sous ses pierrailles
À ses monts familiers qui rêvent dans l'azur...
Une dalle encastrée, en son latin obscur,
Parle après deux mille ans d'antiques funérailles.
César passait ici pour gagner ses batailles,
Un oiseau du printemps chante sur le vieux mur...
Bruissante sous l'ombre en dentelle d'un arbre,
La fontaine sculptée en sa vasque de marbre
Fait briller au soleil quatre filets d'argent.
Et pendant qu'à travers la marmaille accourue
La diligence jaune entre dans la grand'rue,
La tour du signador jette l'heure en songeant.
II
L'horloger, pâle et fin, travaille