Les sols
Pour Léopold Sédar Senghor ou Léon Damas c’est au village que peut se purifier l’africain car c’est un lieu originel qui n’est pas encore souillé par des comportements ou des idées venues d’ailleurs.
Eza Boto n’a pas totalement adhéré aux idées qui ont tendance à mythifier le village. Dans Ville Cruelle, il est appréhendé comme un espace où habitent les hommes avec tout ce qu’ils peuvent avoir de bon ou de mauvais. Les villageois ont certes un grand respect pour les valeurs africaines comme la vertu et l’entraide mais ils ont aussi leur part de méchanceté et de dévergondage.
En raison de ses dimensions importantes, le roman se permet d’indiquer au lecteur où et quand se déroule l’action rapportée. En effet, une grande importance est accordée à ce que Mikhaïl Bakhtine a appelé chronotope à savoir l’espace-temps. Chaque romancier est sensible aux rapports qui existent entre ses héros et le décor où ils évoluent.
Dans Ville Cruelle, la chronologie n’a guère d’importance puisque Eza Boto se contente de situer l’action dans les années trente : « Une matinée de février 193… ». De même il refuse toute linéarité et il ne respecte pas la succession des faits rapportés. D’où les retours en arrière par lesquels il ramène le lecteur à la vie antérieure de Banda. Ce refus de la linéarité s’observe également par de multiples anticipations. Par ces deux procédés, Eza Boto manifeste donc sa volonté d’échapper à la chronologie et au temps.
Si l’auteur ne se soucie guère de dater son récit, il ne manque pas par contre de le situer puisqu’une grande importance est accordée à l’espace. Cet espace n’est pas limité, il est plutôt ouvert et il présente plusieurs degrés d’ouverture qui laissent le héros libre d’aller et venir. Ainsi, l’action ne se déroule pas en un lieu unique mais en différents endroits, à la ville mais aussi au village en