Les mots, la mort, les sorts
de Jeanne FAVRET-SAADA
L’ouvrage de Jeanne Favret-Saada est le récit d’une enquête ethnographique menée dans le Bocage normand, dans les années 70. Durant trente mois, celle-ci s’est intéressée aux pratiques de la sorcellerie dans le milieu rural de cette région reculée, considérée par la plupart à cette époque, comme une région de « paysans arriérés ». Un des enjeux de l’enquête se situe directement dans le choix du sujet ; la pratique de la sorcellerie, qui paraît lointaine et exotique pour la plupart des occidentaux. Ainsi, l’étudier en France, à seulement quelques centaines de kilomètres de la capitale paraît improbable dans une société où, lorsque l’on interprète des faits, on ne se permet de s’appuyer que sur la Raison et le rationnel. JFS veut ainsi faire le lien entre cette pratique peu commune qu’est la sorcellerie, et la dimension spatio-temporelle proche de l’objet étudié.
Le terrain est également choisi pour sa facilité d’accès, et sa langue commune avec l’ethnographe. Pourtant, JFS va très vite se rendre compte que cette étude ne sera pas aussi simple à mener qu’elle en avait l’air. En effet, dès le départ en pendant encore un long moment, l’ethnographe va se heurter au silence qui pèse sur le sujet. La pratique de sorts étant reniée par la science, il ne faut pas en parler, au risque que l’on vous prenne pour un fou. Bien des reportages et des enquêtes ont été faites par des journalistes et des folkloristes, pour qu’ensuite, lors de leurs compte-rendu, articles ou autres, ils fassent passer les croyants en la sorcellerie pour des imbéciles incapables de raison. Là encore, c’est la preuve que la société des Lumières ne cautionne aucune pratique alternative d’interprétation des faits, même si elles sont pourtant présentes et importantes pour certains qui ne trouvent pas d’explication rationnelle à leurs malheurs.
JFS, en tant qu’ethnographe confirmée s’oppose d’emblée à ces folkloristes et journalistes qui partent