L'Europe, c'est l'espoir d'être payés 15 dollars de l'heure en Grande-Bretagne, davantage encore en Allemagne et en France, contre moins d'un billet vert dans leur coin de terre. L'Organisation internationale des migrations estime que le nombre de travailleurs illégaux oscillerait, dans le monde, entre 15 et 30 millions. Le spécialiste Jonas Widgren (lire interview pages suivantes) avance le chiffre de 3 à 4 millions pour l'Union européenne, pays candidats compris. A ce chiffre, s'ajouteraient chaque année 400 000 clandestins. Ils sont mineurs en Belgique et aux Pays-Bas, petites mains de l'industrie en Allemagne et ailleurs. Partout, ils servent les repas et font les lits, suent sur les chantiers ou dans les champs. «Parallèlement à la hausse de l'emploi, explique encore Jean-Pierre Garson, ils sont de plus en plus présents dans les services délaissés par les nationaux tels que activités de santé, d'hygiène et d'enseignement.»

Comme le dit un fonctionnaire de l'Office fédéral des étrangers, le clandestin n'est pas une catégorie statistique. Donc il n'existe pas. Et n'insistez pas: une estimation n'entre pas non plus dans la logique implacable de la statistique fédérale qui est une science exacte. Ignorés par les préposés au comptage, qui pourraient vous dire combien la Suisse compte de vaches, les clandestins ne le sont pourtant pas du Conseil fédéral qui, à défaut d'en estimer le nombre, leur accorde le droit aux assurances sociales (AVS) et le devoir de payer des impôts. La clandestinité est donc le secret de Polichinelle le mieux gardé de Suisse. Ils seraient 8000 à Genève, à peu près le même nombre dans le canton de Vaud, 150 000 environ pour toute la Suisse, estime Oscar Tosato, du Centre social protestant. Leur nombre va encore augmenter, avec l'expulsion programmée de 17 000 Kosovars, une partie de ces derniers ayant choisi de rester en Suisse.

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