Les caprices de marianne
OCTAVE. - Un mal le plus cruel de tous, car c'est un mal sans espérance ; le plus terrible, car c'est un mal qui se chérit lui-même et repousse la coupe salutaire jusque dans la main de l'amitié, un mal qui fait pâlir les lèvres sous des poisons plus doux que l'ambroisie, et qui fond en une pluie de larmes le coeur le plus dur, comme la perle de Cléopâtre ; un mal que tous les aromates, toute la science humaine ne sauraient soulager, et qui se nourrit du vent qui passe, du parfum d'une rose fanée, du refrain d'une chanson, et qui suce l'éternel aliment de ses souffrances dans tout ce qui l'entoure, comme une abeille son miel dans tous les buissons d'un jardin.
MARIANNE. - Me direz-vous le nom de ce mal ?
OCTAVE. - Que celui qui est digne de le prononcer vous le dise, que les rêves de vos nuits, que ces orangers verts, cette fraîche cascade vous l'apprennent ; que vous puissiez le chercher un beau soir, vous le trouverez sur vos lèvres ; son nom n'existe pas sans lui.
MARIANNE. - Est-il si dangereux à dire, si terrible dans sa contagion, qu'il effraye une langue qui plaide en sa faveur ?
OCTAVE. - Est-il si doux à entendre, cousine, que vous le demandiez ? vous l'avez appris à Coelio.
MARIANNE. - C'est donc sans le vouloir, je ne connais ni l'un ni l'autre.
OCTAVE. - Que vous les connaissiez ensemble, et que vous ne les sépariez jamais, voilà le souhait de mon coeur.
MARIANNE. - En vérité ?
OCTAVE. - Coelio est le meilleur de mes amis. Si je voulais vous faire envie, je vous dirais qu'il est beau comme le jour, jeune, noble, et je ne mentirais pas ; mais je ne veux que vous faire pitié, et je vous dirai qu'il est triste comme la mort, depuis le jour où il vous a vue.
MARIANNE. - Est-ce ma faute s'il est triste ?
OCTAVE. - Est-ce sa faute si vous êtes belle ? Il ne pense qu'à vous ; à toute heure il rôde autour de cette maison.
N'avez-vous jamais entendu chanter sous vos fenêtres ?
N'avez-vous