Les blancs disent...
Les Blancs disent que c'était un bon Nègre, un vrai bon nègre, le bon Nègre à son bon maître.
Je dis hurrah !
C'était un très bon Nègre, la misère le avait blessé poitrine et dos et on avait fourré dans sa pauvre cervelle qu'une fatalité pesait sur lui qu'on ne prend pas au collet ; qu'il n'avait pas puissance sur son propre destin ; qu'un Seigneur méchant avait de toute éternité écrit des lois d'interdiction en sa nature pelvienne ; et d'être le bon Nègre ; de croire honnêtement à son indignité, sans curiosité perverse de vérifier jamais les hiéroglyphes fatidiques.
C'était un très bon Nègre
et il ne lui venait pas à l'idée qu'il pourrait houer, fouir, couper tout, tout autre chose vraiment que la canne insipide,
C'était un très bon Nègre. Et on lui jetait des pierres, des bouts de ferraille, des tessons de bouteille, mais ni ces pierres, ni cette ferraille, ni ces bouteilles...
Ô quiètes années de Dieu sur cette motte terraquée ! et le fouet disputa au bombillement des mouches la rosée sucrée de nos plaies,
Je dis hurrah ! La vieille négritude progressivement se cadavérise l'horizon se défait, recule et s'élargit et voici parmi des déchirements de nuages la fulgurance d'un signe
le négrier craque de toute part... Son ventre se convulse et résonne... L'affreux ténia de sa cargaison ronge les boyaux fétides de l'étrange nourrissons des mers !
Et ni l'allégresse des voiles gonflées comme une poche de doublons rebondie, ni les tours joués à la sottise dangereuse des frégates policières ne l'empêchent d'entendre la menace de ses grondements intestins
En vain pour s'en distraire le capitaine prend à sa grand' vergue le Nègre le plus braillard ou le jette à la mer, ou le livre à l'appétit de ses molosses La négraille aux senteurs d'oignon frit retrouve dans son sang répandu le goût amer de la liberté.