Le voyage de Saint Brendan
v.480-580

« De Navigatio Sancti Brendani Abbatis », édité d’abord en latin, puis dans les différentes langues vernaculaires européennes, a connu dès sa parution au Moyen-Âge un énorme succès. Ce récit, au début transmis oralement, n’a été écrit que 2 ou 3 siècles plus tard et raconte le voyage que l’abbé Brendan, ainsi que 17 de ses moines, ont entrepris dans un bateau de cuir, pendant 7 ans à la recherche de la terre promise, accessibles seulement aux plus méritants. Ce texte hagiographique, mais en évidence l’imaginaire de l’Enfer telle qu’il le pensait au Moyen-Âge celtique. Le passage choisit pour ce commentaire se situe approximativement un an après le début du voyage, lorsque l’abbé Brendan, ainsi que son équipage sont invités à séjourner sur l’île des oiseaux après avoir célébré Pâques sur l’île Baleine. Cet épisode marque une rupture dans le récit. Tout au long du texte, Brendan voyage d’îles fantastiques à rencontres merveilleuses. Cependant, aucune de ses diverses haltes ne ressemblent de loin ou de près à l’île Paradis des Oiseaux. Par conséquent, on peut se demander de quelle manière ce passage sert-il de prédiction sur le déroulement du voyage de Brendan ainsi que sur son dénouement ? Pour cela, nous nous intéresserons d’abord sur le décor du récit, puis sur la signification de certains symboles présents dans ce passage et finalement sur les renseignements que ce texte dévoile sur l’organisation de l’Enfer.

Dès le début de l’extrait, le lecteur se retrouve plonger dans un décor paradisiaque. En effet, les termes utilisés pour décrire l’île v.481 terre alte e clere ; v.489 Al chef del duit out une arbre/ Itant blanche cume marbre ; v. 493 de haltece par vedue/ Muntout le arbre sur la nue ; v.499 Tute asise de blanc oiseus ; v.509 à 510 Tant dulcement sonat li vols/ En eschele cum fait li cols ; sont quasiment tous dotés d’une incantation angélique qui oriente l’imagination du lecteur dans cette direction,