Tant que nous aurons le corps, et qu'un mal de cette sorte restera mêlé à la pâte de notre âme, il est impossible que nous possédions jamais en suffisance ce à quoi nous aspirons; et, nous l'affirmons, ce à quoi nous aspirons, c'est le vrai(…) Désirs, appétits, peurs, simulacres en tout genres, futilités, il nous en remplit si bien que, comme on dit, pour de vrai et pour de bon, à cause de lui il ne nous sera jamais possible de penser, et sur rien. (…) Pour nous, réellement, la preuve est faite: si nous devons jamais savoir purement quelque chose, il faut que nous nous séparions de lui et que nous considérions avec l'âme elle-même les choses elles-mêmes. Alors, à ce qu'il semble, nous appartiendra enfin ce que nous désirons et ce dont nous affirmons que nous sommes amoureux: la pensée. Cela, une fois que nous aurons cessé de vivre, et non pas, -tel est le sens du raisonnement- de notre vivant. Car s’il est impossible, en la compagnie du corps, de rien connaître purement, de deux choses l’une: ou bien il n’existe aucune manière possible d’acquérir le savoir, ou bien c’est une fois qu’on en aura fini, puisque c’est alors que l’âme, elle-même et en elle-même, sera séparée du corps, mais pas avant. Et tout le temps que nous vivons, nous nous approcherons au plus près du savoir lorsque, autant qu’il est possible, nous n’aurons ni commerce ni association avec le corps, sauf en cas d’absolue nécessité; lorsque nous ne nous laisserons pas contaminer par sa nature, mais que nous nous en serons purifiés, jusqu’à ce que le dieu lui-même nous ait déliés. Alors, oui, nous serons purs, étant séparés de cette chose insensée qu’est le corps.
Platon, Le Phédon (extrait).
Témoin des dernières heures de Socrate, Le Phédon nous rapporte la réflexion provoquée par la proximité de la mort du philosophe, développée par son disciple, Platon. Entouré de ses disciples qui l’interrogent, Socrate aborde la question de la mort en questionnant l’âme, comme