Le jeu de l'amour et du hasard, acte iii, scène 6
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ACTE III, Scène 6 : Lisette, Arlequin ARLEQUIN Enfin, ma reine, je vous vois et je ne vous quitte plus ; car j’ai trop pâti d’avoir manqué de votre présence, et j’ai cru que vous esquiviez la mienne. LISETTE Il faut vous avouer, Monsieur, qu’il en était quelque chose. ARLEQUIN Comment donc, ma chère âme, élixir de mon cœur, avez-vous entrepris la fin de ma vie ? LISETTE Non, mon cher ; la durée m’en est trop précieuse. ARLEQUIN Ah ! que ces paroles me fortifient ! LISETTE Et vous ne devez point douter de ma tendresse. ARLEQUIN Je voudrais bien pouvoir baiser ces petits mots-là, et les cueillir sur votre bouche avec la mienne. LISETTE Mais vous me pressez sur notre mariage, et mon père ne m’avait pas encore permis de vous répondre ; je viens de lui parler, et j’ai son aveu pour vous dire que vous pouvez lui demander ma main quand vous voudrez. ARLEQUIN Avant que je la demande à lui, souffrez que je la demande à vous ; je veux lui rendre mes grâces de la charité qu’elle aura de vouloir bien entrer dans la mienne, qui en est véritablement indigne. LISETTE Je ne refuse pas de vous la prêter un moment, à condition que vous la prendrez pour toujours. ARLEQUIN Chère petite main rondelette et potelée, je vous prends sans marchander. Je ne suis pas en peine de l’honneur que vous me ferez ; il n’y a que celui que je vous rendrai qui m’inquiète. LISETTE Vous m’en rendrez plus qu’il ne m’en faut. ARLEQUIN Ah ! que nenni ; vous ne savez pas cette arithmétique-là aussi bien que moi. LISETTE Je regarde pourtant votre amour comme un présent du Ciel. ARLEQUIN Le présent qu’il vous a fait ne le ruinera pas ; il est bien mesquin. LISETTE Je ne le trouve que trop magnifique ! ARLEQUIN C’est que vous ne le voyez pas au grand jour. LISETTE Vous ne sauriez croire combien votre modestie m’embarrasse. ARLEQUIN Ne faites point dépense d’embarras ; je ne serais bien effronté, si