Le gout de l'absolu en aragon
Aragon avait le " goût de l’absolu ", c’est-à-dire ce qui ne comporte aucune restriction ni réserve, ce qui ne fait aucune concession, ne supporte ni la critique, ni la contradiction : " Ce que nous cherchons est tout; faites entrer l’Infini ". Ses premiers poèmes du " Mouvement perpétuel " évoquent l’idée d’illimité, d’extrême, d’éternel. Les passions enrichissent, exaltent l’existence, mais le goût de l’absolu est une passion dévorante.
Aragon a décrit ce sentiment de l’absolu dans la longue rêverie sentimentale d’ "Aurélien ", l’un des sommets romanesques de son œuvre ( Edition Gallimard 1944 ).
Citons quelques extraits d’Aurélien, roman ambigü et très riche reconstituant les année folles de 1930, décrivant les dérives morales et les diversions esthétiques d’un jeune bourgeois, l’écart entre l’imaginaire, les mots, les sentiments et leur réalisation :
" La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide. Elle lui déplut, enfin. Il n’aima pas comment elle était habillée. Une étoffe qu’il n’aurait pas choisie. Il avait des idées sur les étoffes. Une étoffe qu’il avait vue sur plusieurs femmes. Cela lui fit mal augurer de celle-ci qui portait un nom de princesse d’Orient sans avoir l’air de se considérer dans l’obligation d’avoir du goût. "
Aurélien tombe néanmoins dans le " piège amoureux " vers lequel son entourage le pousse et il se laisse aller, malgré lui, à cette passion dévorante :
" Il lui semblait que rien au monde n’existât hors cette certitude : Bérénice l’aimait. Il en éprouvait un engourdissement bizarre, et non point la joie qu’il aurait cru.