Le diable amoureux
Un soir, après nous être épuisés en raisonnements de toute espèce autour d'un très petit flacon de vin de Chypre et de quelques marrons secs, le discours tomba sur la cabale et les cabalistes.
Un d'entre nous prétendait que c'était une science réelle, et dont les opérations étaient sûres ; quatre des plus jeunes lui soutenaient que c'était un amas d'absurdités, une source de friponneries, propres à tromper les gens crédules et amuser les enfants.
Le plus âgé d'entre nous, Flamand d'origine, fumait sa pipe d'un air distrait, et ne disait mot. Son air froid et sa distraction me faisaient spectacle à travers ce charivari discordant qui nous étourdissait, et m'empêchait de prendre part à une conversation trop peu réglée pour qu'elle eût de l'intérêt pour moi.
Nous étions dans la chambre du fumeur ; la nuit s'avançait : on se sépara, et nous demeurâmes seuls, notre ancien et moi.
Il continua de fumer flegmatiquement ; je demeurai les coudes appuyés sur la table, sans rien dire. Enfin mon homme rompit le silence.
“Jeune homme, me dit-il, vous venez d'entendre beaucoup de bruit : pourquoi vous êtes-vous tiré de la mêlée