Larbaud Thalassa
Le commentaire qui suit est le résultat du travail de Daniel Lefèvre, agrégé de lettres classiques, avec ses élèves d'hypokhâgne du lycée Malherbe de Caen.
Il est ici librement mis à la disposition des élèves de lycée, hypokhâgneux, étudiants et professeurs, pourvu que cet usage demeure dans le partage culturel gratuit, hors de toute pratique commerciale.
Valéry Larbaud, Thalassa
Couché sur le divan au fond de la cabine
(Bercé comme une poupée aux bras d'une fillette folle
Par le tangage et le roulis, — gros temps),
J'ai sur l'âme un cercle lumineux : le hublot,
Comme une vitrine de boutique où l'on vendrait la mer;
Et, à demi sommeillant, je rêve
De construire, dans une forme inusitée encore, un poème
A la gloire de la mer.
O Homère! ô Virgile!
O Corpus Poeticum Boréale ! C'est dans vos pages
Qu'il faut chercher les vérités éternelles
De la mer, et ces mythes qui expriment un aspect du temps,
Et les féeries de la mer, et l'histoire des vagues,
Et le printemps marin, et l'automne marin,
Et l'accalmie qui fait une route plate et verte
Au char de Neptune et aux cortèges des Néréides.
J'ai sur l'âme un cercle lumineux qui voyage
De haut en bas, tantôt empli du bleu-gris moucheté de blanc
Du paysage méditerranéen, avec un coin de ciel
Pâle, tantôt
C'est le ciel qui descend remplir le cercle, tantôt
Je plonge dans une lumière glauque et froide,
Tourbillonnante, et tantôt, d'un seul coup,
Le hublot aveuglé de bave bondit s'éblouir en plein ciel blanc.
Passe, sur cette ligne d'horizon toujours mouvante,
Grand comme un jouet, un vapeur roumain, peint en blanc ;
Il roule comme sur un chemin crevé de fondrières, et l'hélice
Sort parfois de la mer et bat l'air plein d'écume.
Ils saluent, du drapeau d'arrière, à mi-mât,
Bleu — jaune — rouge.
Bruits du navire : voix dans un corridor,
Craquements des boiseries, grincements des lampes oscillantes,
Rythme des machines, leur odeur fade par bouffées,
Cris mangés de vent, qui brouillent la