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Quel effet la lecture de ces deux chapitres produit-elle sur le lecteur ?
Tout d'abord, nous allons nous occuper de mettre en lumière les stratégies d'argumentation qu'utilisent le camelot et le narrateur. Alors que le premier utilise une argumentation pervertie, très agressive et directe, le second est moins convainquant. En effet le chapitre dix est occupé par l'argumentation du camelot, avec des arguments de généralisation abusive, « les juifs […] ça roule sur l'or et ça fume des gros cigares »(l.21 et 25-26), la prise d'une opinion personnelle comme d'une réalité générale, « tu es encore un Français à la manque »(l.10 et 11), des amalgames, « ton père est de la finance internationale »(l.13 et 14) ou encore des prises à témoins « messieurs dames », « pas vrai, messieurs dames ? »(l.15 et 27-28). Cette argumentation-là ne convainc pas, elle peine à persuader : bien que le camelot fasse appel à des sentiments de haine et d'injustice « ça roule sur l'or […] nous on met la ceinture »(l.26-27), le lecteur sait que ces arguments sont irrecevables car ils sont infondés et préjugés.
Par opposition, le chapitre onze est une succession de faits réels : la réaction et les sentiments que le narrateur a ressentis. Il n'y a presque pas dans cette partie d'argument : les transformations dans le caractère et les émotions du garçon sont là pour toucher le lecteur, ce qui participe à la persuasion dont l'auteur fait preuve. Mais ce genre d'arguments est presque invisible car son effet est inconscient. De cette façon, le lecteur sent l'opposition entre « le camelot »(l.33 et 39) et plus tard son évolution en « bourreau »(l.46 et 61), entre la « honte »(l.44) et sa cause l' »espoir fou »(l.58), entre la « pitié désirée(l.59) et la réaction « impitoyable »(l.61), entre sa situation « tout seul »(l.59) et « les badauds »(l.65) ou encore entre sa retraite « solitaire »(l.68) et « la foule »(l.69). Les