la vie
L'ampleur de la question nous confronte un peu comme un immense mur lisse. On ne sait trop par où s'y prendre. Les questions typiques de la philosophie font souvent cet effet : qu'est-ce que le temps? le bonheur? l'intelligence? la beauté? Leur caractère insaisissable vaut sans doute à la philosophie une certaine mauvaise réputation : celle d'engendrer des débats aussi interminables que stériles, à propos de questions oiseuses et insolubles.
Nous reviendrons sur ce qui constitue à vrai dire une question philosophique. Mais commençons, pour ne pas donner prise trop vite à de telles accusations, par nous attaquer à un problème un peu plus maniable : comment distinguer, en pratique, ce qui est vivant de ce qui ne l'est pas?
La question s'est posée concrètement en 1996, lorsqu'on a fait beaucoup de cas d'une éventuelle découverte de traces de bactéries sur la planète Mars, ou plus précisément dans certains rochers tombés de la planète Mars il y a quelques milliers d'années. On se souviendra peut-être que le débat soulevé par cette découverte, d'abord fiévreux, s'est vite ramené à des questions extrêmement techniques au sujet de la forme exacte des isotopes de carbones faisant partie de certaines molécules. Débat pour le moins décevant pour qui veut savoir ce qu'est en vérité la vie, car il donne l'impression que la réponse n'est intelligible que pour certains spécialistes. Or il semble bien que la différence entre le vivant et ce qui ne l'est pas saute aux yeux, et qu'ele n'a guère à voir avec ces minuties scientifiques.
Par ailleurs, même du point de vue le plus rigoureusement scientifique, la question qui se posait au sujet des rochers de la planète Mars ne saurait être identique à celle qui nous occupe. Admettons que les spécialistes se soient mis d'accord que seule la présence de telle trace chimique indiquerait qu'il y eût des êtres vivants sur Mars. Il s'agirait là d'un indice, mais non d'une définition.
Pourquoi? La notion de