La vie est un songe calderon
Trad. B. Sésé, Paris, Aubier-Flammarion, 1976.
Dans cette pièce, le prestigieux dramaturge espagnoI, Pedro Calderon de la Barca (1600-1681) illustre l'idée typiquement baroque seIon laquelle les certitudes ou vérités humaines sont des illusions au regard de Dieu, unique réalité ferme et constante. Un horoscope a prédit au roi de Pologne, Basyle, que son fils Sigismond deviendrait un tyran sanguinaire : il l'a donc enfermé dans une tour. Après quelques années, le roi cherche à vérifier la prédiction et libère Sigismond, sans que celui-ci s'en rende compte, grâce à une potion soporifique. Mais celui-ci commet des méfaits et est à nouveau conduit en prison, toujours sous l'effet d'un narcotique. À son réveil, le personnage se confie à Clothalde, son précepteur et geôlier. Il se demande s'il a vécu ou rêvé, soulignant ainsi la parenté entre la vie et le songe.
CLOTHALDE
Dis-moi ce que tu as rêvé.
SIGISMOND
À supposer que ce fût un rêve,
Je ne dirai pas ce que j'ai rêvé,
Mais plutôt, Clothalde, ce que j'ai vu.
Je me suis éveillé, je me suis vu
- Quelle flatteuse cruauté ! -
Dans un lit qui aurait pu,
Par ses nuances et ses couleurs
Être le lit des fleurs
Tissé par le printemps.
Là, mille gentilhommes, prosternés
À mes pieds, m'appelèrent
Leur Prince et me présentèrent
Des parures, des bijoux et des vêtements.
Et toi tu vins changer en allégresse
Le calme de mes sens
En déclarant quel était mon bonheur ;
Car malgré l'état où je suis maintenant,
J'étais Prince en Pologne.
CLOTHALDE
Tu as dû me donner une belle récompense.
SIGISMOND
Pas très bonne : pour ta félonie,
D'un cœur hardi et sans faiblesse,
Deux fois je te donnais la mort. [ ... ]
CLOTHALDE
Comme nous avions parlé
De cet aigle, quand tu t'es endormi,
Tu as rêvé d'empires ;
Mais même en rêve il eût convenu,
Sigismond, d'honorer alors
Celui qui s'est donné