La poesie
De la contrainte par corps.
Solon a ordonna à Athènes qu'on n'obligerait plus le corps pour dettes civiles. Il tira cette loi d'Egypte b ; Boccoris l'avait faite, et Sésostris l'avait renouvelée.
Cette loi est très bonne pour les affaires c civiles ordinaires ; mais nous avons raison de ne point l'observer dans celles du commerce. Car les négociants étant obligés de confier de grandes sommes pour des temps souvent fort courts, de les donner et de les reprendre, il faut que le débiteur remplisse toujours au temps fixé ses engagements ; ce qui suppose la contrainte par corps.
Dans les affaires qui dérivent des contrats civils ordinaires, la loi ne doit point donner la contrainte par corps ; parce qu'elle fait plus de cas de la liberté d'un citoyen, que de l'aisance d'un autre. Mais, dans les conventions qui dérivent du commerce, la loi doit faire plus de cas de l'aisance publique, que de la liberté d'un citoyen ; ce qui n'empêche pas les restrictions et les limitations que peuvent demander l'humanité et la bonne police.
a. Plutarque, au traité : Qu'il ne faut point emprunter à usure.
b. Diodore, liv. I, partie II, chap. III.
c. Les législateurs grecs étaient blâmables, qui avaient défendu de prendre en gage les armes et la charrue d'un homme, et permettaient de prendre l'homme même. Diodore, liv. I, part. II, chap. III.
Dans ce texte, Montesquieu feint de se faire l'avocat des esclavagistes, exposant des arguments permettant de défendre leur position. Pourtant, leur étude permet de déceler en chacun un défaut logique ou moral. Par ce recours à l'ironie se trouvent critiqués et ridiculisés les tenants d'une pratique inhumaine dont la condamnation s'inscrit dans un mouvement général de défense et de promotion des droits de l'homme.
I. La stratégie argumentative : une apparente défense de l'esclavagisme
1. Le système de défense
Il est annoncé dès le 1er § par l'indication des intentions du locuteur (" soutenir le droit ", "