La glace sans tain
Ce livre « longtemps plus célèbre que connu3 » est à la fois l'aboutissement de la quête dans laquelle s'est engagé André Breton depuis 1916 et le point de départ d'un « mouvement ininterrompu [où] la poésie vient se confondre avec la vie4. »
Constitué de plusieurs textes sans aucun lien entre eux, aucune mention n’est indiquée permettant d’identifier l’auteur 5. Cette œuvre « d'un seul auteur à deux têtes [et au] regard double » a permis à Breton et Soupault « d'avancer sur la voie où nul ne les avait précédés6. » En signant conjointement, les auteurs ont voulu signifier qu'« ils ont parlé ensemble, [qu'] ils ont mêlé leurs voix non pour se cacher mais pour éclater7.
Contrairement à une idée généralement répandue, l'écriture automatique représente le contraire de la facilité. Elle impose à celui qui ne veut plus être que le récepteur le plus fidèle possible de la parole intérieure une tension difficile à maintenir entre les pôles opposés de l'abandon et de la vigilance 8. « L'automatisme, c'est aussi cette confidence murmurée sous le couvert d'un discours singulier…9 »
Les circonstances de l'écriture [modifier]
Au printemps 1919, André Breton est encore mobilisé à l'hôpital du Val de Grâce, Philippe Soupault est détaché au Commissariat des Essences et Pétroles de la rue de Grenelle et Louis Aragon est envoyé en Sarre avec les troupes d'occupation. Les autorités ménagent une transition pour le retour à la vie civile des soldats, craignant la colère de ceux-ci à cause du sentiment de l'inutilité du sacrifice de tant de vies et de l'attitude "jusqu'au-boutiste" de l'arrière allant de pair avec un affairisme sans scrupule.
Pour Breton, l'avenir n'a aucune représentation. « On revenait de guerre, c'est entendu, mais ce dont on ne revenait pas, c'est de ce qu'on appelait alors le bourrage de crânes qui, d'êtres ne demandant qu'à vivre et - à de rares exceptions près - à s'entendre avec leurs semblables, avait fait durant quatre années, des