L'ouvrier humain, lorsqu'il détourne à son profit les objets ou les puissances de la nature, se rapproche de toutes les autres forces naturelles. Au niveau du déploiement de l'activité, on peut légitimement comparer un écureuil qui rassemble ses provisions pour l'hiver (photographie ci-contre (c) Regroupement des Astronomes Amateurs de l'Outaouais Québecois) et un agriculteur qui rentre sa récolte. Pourtant, entre eux, une énorme différence existe : si l'activité de l'écureuil se voit déclenchée par des processus hormonaux (déterminés, semble-t-il, par la durée d'ensoleillement quotidien), et relève donc en large part de l'instinct, en revanche l'humain, explique Marx, met en oeuvre des processus mentaux d'anticipation, d'imagination, de planification - bref, une activité de l'esprit. Entendu en ce sens strictement humain, le travail se présente comme une activité complète, à la fois manuelle et intellectuelle, combinant création spirituelle et production matérielle. Aussi par le travail l'individu humain déploie-t-il toutes ses facultés : face aux contraintes matérielles, il exerce son inventivité, son ingéniosité, sa dextérité ; améliorant son milieu, il s'améliore lui-même, découvre ses faiblesses par ses échecs, et peut ainsi concevoir un moyen d'y pallier. Le travail nous élève au-dessus de notre imperfection première. Cette faculté de transcender sa propre condition constitue une caractéristique fondamentale de l’humain : déjà les Anciens s'en étaient aperçus.
[Les dieux] chargèrent Prométhée et Epiméthée de pourvoir [les animaux] et d’attribuer à chacun les qualités appropriées. Mais Epiméthée demanda à Prométhée de lui laisser faire seul le partage : « Quand je l’aurai fini, dit-il, tu viendras l’examiner ». [Epiméthée procède au partage]
Cependant, Epiméthée, qui n’était pas très réfléchi, avait sans y prendre garde dépensé pour les animaux toutes les facultés dont il disposait et il lui restait la race humaine à pourvoir, et il ne savait que faire.