La crise actuelle
Louis Gill
L’origine de la crise actuelle, on le sait, se trouve dans les défaillances massives des prêts hypothécaires à haut risque consentis à grande échelle aux États-Unis à des acheteurs de maison non solvables. Mais elle puise ses racines profondes dans l’hyperdéveloppement d’un capital volatil détaché de l’investissement dans la production, libre de se déplacer dans l’espace planétaire en fonction des seuls besoins de sa valorisation.
Article paru dans À Bâbord, no 28, février-mars 2009, sous le titre « Une crise annoncée ».
Le coup d’envoi de ce développement, puissamment stimulé depuis 1980 par la libéralisation et la déréglementation néolibérales, a été donné par l’effondrement en 1971 du système des taux de change fixes entre les monnaies mis en place à Bretton Woods en 1944 et la naissance des ancêtres des complexes produits dérivés d’aujourd’hui que furent les premiers contrats de couverture (hedge) sur les devises devenues fluctuantes.
L’économie mondiale dominée par la finance est le lieu naturel du déploiement du capital fictif, de la spéculation, de la recherche par des moyens douteux du rendement maximum à court terme, de la manipulation et de la fraude. De 5,2 % en 1980, la part du secteur financier dans la capitalisation boursière a atteint 23,5 % en 2007 aux États-Unis [1]. À l’échelle mondiale, la valeur des produits dérivés de toute sorte atteignait à la même date près de dix fois le Produit intérieur brut mondial. Cela démontre que la majeure partie du capital se trouve investie dans des opérations qui ont peu à voir avec l’économie réelle, des opérations dont la valeur fluctue au gré des mouvements spéculatifs et dont le montant est propulsé à des sommets par des effets de levier donnant lieu à un endettement de l’ordre de plus de trente fois le capital propre des établissements de crédit.
Dans ce contexte général, la crise actuelle a été engendrée par les moyens mêmes qui avaient été favorisés pour tirer l’économie