Juliette
[...] La guerre est terminée depuis 10ans. Pierre a maintenant 16ans, il fait des études de droit. André, mon grand-père est décedé peu de temps après le départ de Werner. Mon cousin, lui, a été jugé à la libération parce qu'il avait collaboré. Toute la semaine je me retrouve donc seule dans le corps de ferme. Pierre ne rentre que pour chaque vacances. Le temps me parait long.
Un matin d'automne , une voiture noire fait irruption dans la cour... Je regarde par la fen^tre et je ne vois personne. Je m'inquiète. On frappe à la porte. J'ouvre, et là devant moi à contre jour, se découpe une silhouette masculine. J'observe. J'hésite à mettre un nom sur cette ombre. Mais je suis émue, j'ai déjà reconnu Werner sans vouloir me l'avouer. Il est aussi grand que dans mon souvenir, mais ses cheveux sont gris.J'ai du mal à croire qu'il est vraiment là en chair et en os. Je me pince pour être sure que je ne suis ni le jouet d'un mirage ni de mon imagination.
_ Bonjour Jeanne, dit-il de sa oix grave avec son léger accent.
_ Bonjour Werner. J'ai la gorge sèche je ne peus rien dire de plus. Je continue à le dévisager bouche-bée. Je me rends à l'évidence c'est bien lui qui est là vivant, debout devant moi, sur le seuil de ma maison.
_ Entrez; venez vous installer au salon.
Dans la cheminée, pétille un bon feu de bois qui nous replonge tous les deux 10ans en arrière quand il venait se réchauffer à la flamme.Nous sommes aussi émus l'un que l'autre. Je veux tout savoir. Comment, pourquoi?
Nous nous asseyons et Werner parle.
_ J'ai survécu aux conditions difficiles du front russe. Il reste très pudique sur cet épisode.
Je suis heureux d'être libéré et de pouvoir venir en France. J'attendais ce moment impatiamment. J'imaginais mon retour. Et vous?
_ Je vis seule à la ferme, depuis que Pierre est à la ville pour ses études et que Grand-père est mort. J'ai souvent pensé à votre départ. Etes vous en France pour longtemps?
_ Cela dépend de vous.