jean marie gustave le clezio
Un jour, il apprend, bouleversé, que son ami Dadi, le vieux mendiant aux colombes, a été emmené par le Ciapacan et conduit à l'hôpital.
« Alors tout à coup Mondo avait senti une grande fatigue. […] Il avait cherché une place dans la rue, sur le trottoir, et il s'était assis là, le dos contre le mur. Maintenant il attendait. Un peu plus loin, il y avait le magasin d'un marchand de meubles, avec une grande vitrine qui réverbérait la lumière. Mondo restait assis sans bouger, il ne voyait même pas les jambes des gens qui marchaient devant lui, qui s'arrêtaient parfois. Il n'écoutait pas les voix qui parlaient. Il sentait une sorte d'engourdissement qui gagnait tout son corps, qui montait comme un froid, qui rendait ses lèvres insensibles et empêchait ses yeux de bouger. Son cœur ne battait plus très fort ; maintenant il était loin et tout faible, il remuait lentement dans sa poitrine, comme s'il était sur le point de s'arrêter. […] Quand les gens lui avaient parlé, Mondo n'avait pas levé la tête. Il restait immobile sur le trottoir, le front appuyé sur ses avant-bras. Maintenant les jambes des gens étaient arrêtées devant lui, elles formaient un rempart en demi-cercle comme lorsque le Gitan donnait sa représentation publique. Mondo pensait qu'elles feraient mieux de s'en aller, de continuer leur chemin. Il regardait tous ces pieds arrêtés, les grosses chaussures de cuir noir des hommes, les sandales à hauts talons des femmes. Il entendait les voix qui parlaient au-dessus de lui, mais il ne parvenait pas à comprendre ce qu'elles disaient. « Téléphoner… » Disaient les voix. Téléphoner à qui ? Mondo pensait qu'il était devenu un chien, un vieux chien au poil fauve qui dormait couché en rond sur un