La première lecture terminée, le texte me laisse une drôle d’impression ; je suis, face à lui, un peu apathique. On y raconte certes une belle histoire de réussite québécoise, or le récit me semble manquer de punch, d’éclat. À première vue, Jean Coutu semble quelqu’un de particulièrement serein, de mature, un exemple de droiture et d’amabilité. Comble de l’histoire : on le dit simple (!) Pourtant, ce qui est décrit dans le cas sort tout à fait de l’ordinaire, cet homme a aligné réussite après réussite, il a innové constamment, a pris des risques, a traversé des épisodes de grandes adversités… m*rde, il a construit un empire, bon sens! Cette soif d’en avoir toujours plus, sa recherche incessante de défis, tranche avec son équilibre apparent! Pour moi – mais peut-être est-ce que projette sur le texte –, il y a un bouillonnement pulsionnel, visiblement masqué, qui anime cet individu. Celui-ci, qui se donne à comprendre autrement si facilement dans le texte, a réussi d’une façon ou d’une autre à canaliser ces affects si forts, une énergie pulsionnelle immense. Pour toucher sa vérité, il me faudra fouiller, creuser. D’abord reprendre le texte du début : retour à l’enfance et surtout à ses parents, les premiers objets sur lesquels ont porté ses affects.
Son père n’était pas banal : un modèle pour tous, il était aimé et généreux, quoique sévère envers sa famille. Avec Jean, il faisait preuve d’une autorité forte, était difficilement satisfait, voire même rarement admiratif. Cette discipline a tôt fait de sortir le jeune Jean de ses fantasmes : l’enfant n’aura pas l’occasion de se créer un monde imaginaire – d’en être le Roi –, pour lui le réel est contraignant, la rigueur de son père a tôt fait de lui enseigner le principe de réalité. En corollaire, son développement est peut-être prématuré et laisse entrevoir peu de projection, mais plutôt de l’introjection. Jean, quand sera père, reproduira ce caractère avec sa famille (proche, et étendue – on y reviendra).
L’épisode