Introduction et paratextes de "paludes" (gide)
INTRO André Gide, Paludes. Un livre étroit, mais étonnamment riche. Encore n’a-t-il du livre, ou plus précisément du roman, que l’apparence. Voici ce que le narrateur dit de Paludes : « Paludes, c’est l’histoire d’un homme qui, possédant le champ de Tityre [berger des Bucoliques de Virgile] ne s’efforce pas d’en sortir, mais au contraire s’en contente » : Paludes, c’est l’histoire d’une stagnation, d’une station immobile, d’une végétation (c’est le cas de le dire), qui va pourtant nous occuper pendant cent cinquante pages. Et s’il ne se passe rien, paradoxalement, il y a beaucoup à dire. Et c’est précisément parce que le narrateur, immédiatement à la suite de cette phrase, écrit le mot « voilà… » comme la marque d’une médiocre et hâtive conclusion (en ouverture de l’œuvre !) qu’il ouvre au lecteur la porte de tout le reste, c’est-à-dire un travail critique poussé sur la forme. Paludes, c’est encore « spécialement l’histoire de qui ne peut pas voyager ». Or, cette impossibilité du mouvement se déduit de l’échec de multiples tentatives. Ces tentatives sont toutes les voies empruntées par la littérature pour sortir du marasme et de l’impasse du roman réaliste, de la poésie complaisante, du vaudeville, bref, de toutes ces ornières littéraires qui sont pour le jeune André Gide de la dernière stérilité ; toutes ces ornières étant maintenues par les « cercles littéraires », constitués de littérateurs fainéants et peu scrupuleux dont la courte vue et les banales idées constituent un obstacle insurmontable pour la création littéraire. Ils sont précisément la cible première du jeune Gide. Paludes se présente comme une œuvre désarçonnante, inhabituelle, dérangeante, extrêmement moderne en ce qu’elle se veut à la fois le bilan formel et générique de la littérature de son temps, l’incarnation de l’impasse littéraire, et cependant une tentative désespérée, à l’image de son personnage principal et