Hosties noires, publié en 1948, est le deuxième recueil de Senghor. Le poète y retrace son expérience douloureuse de la guerre et des camps de travail, douloureuse parce qu’il rencontre partout, de manière exacerbée, le mépris pour l’homme noir. Pour lui qui s’est engagé dans la défense de la Négritude (c’est-à -dire, selon sa propre définition, « l’ensemble des valeurs de civilisation du monde noir »), l’humiliation physique et morale que réservent les pays occidentaux à ses frères d’arme est insupportable. Elle apparaît d’abord dans les camps de travail, où les soldats africains, séparés des autres prisonniers, sont particulièrement maltraités et soumis à un racisme que le contexte carcéral rend encore plus violent. Mais elle se manifeste également dans l’ingratitude et l’oubli total de la France pour ses troupes coloniales. Face à ces oublis criminels, le poète tente, dans Hosties noires, de restaurer la mémoire des soldats noirs engagés pendant la guerre et prend la défense des valeurs culturelles et morales de l’Afrique à travers l’éloge de ses camarades. Mais contrairement aux autres poètes de la Négritude qui dénoncent très violemment la puissance coloniale française, Senghor, fortement marqué en cela par son éducation chrétienne, dépasse la haine et le ressentiment pour prôner le pardon et annoncer un monde de paix et de fraternité à travers le sacrifice de ses confrères africains. La métaphore chrétienne du titre du recueil est donc à comprendre en ce sens : de même que l’hostie rappelle le sacrifice du Christ pour le salut de l’humanité, les soldats africains sont des « hosties noires », sacrifiés pour qu’advienne un monde meilleur où les races et les nations vivront en