histoires de scarmentado
Mon père m’envoya, à l’âge de quinze ans, étudier à Rome. J’arrivai dans l’espérance d’apprendre toutes les vérités ; car jusque-là on m’avait enseigné tout le contraire, selon l’usage de ce bas monde, depuis la Chine jusqu’aux Alpes. Monsignor Profondo, à qui j’étais recommandé, était un homme singulier, et un des plus terribles savants qu’il y eût au monde. Il voulut m’apprendre les catégories d’Aristote, et fut sur le point de me mettre dans la catégoriepoint vendre. J’étais dans un âge où tout cela me paraissait fort plaisant. Une jeune dame de mœurs très-douces, nommée la signora Fatelo, s’avisa de m’aimer. Elle était courtisée par le révérend P. Poignardini, et par le révérend P. Aconiti, jeunes profès d’un ordre qui ne subsiste plus : elle les mit d’accord en me donnant ses bonnes grâces ; mais en même temps je courus risque d’être excommunié et empoisonné. Je partis, très-content de l’architecture de Saint Pierre.
Je voyageai en France ; c’était le temps du règne de Louis le Juste[3]. La première chose qu’on me demanda, ce fut si je voulais à mon déjeuner un petit morceau du maréchal d’Ancre, dont le peuple avait fait rôtir la chair[4], et qu’on distribuait à fort bon compte à ceux qui en voulaient.
Cet État était continuellement en proie aux guerres civiles, quelquefois pour une place au conseil, quelquefois pour deux pages de controverse. Il y avait plus de soixante ans que ce feu, tantôt couvert et tantôt soufflé avec violence, désolait ces beaux climats. C’étaient là les libertés de