Histoire situation internationale
Nous vivons depuis quarante ans, en Europe, dans l’étau des blocs militaires, l’un autour de Washington, l’autre autour de Moscou. Chacun organise la puissance de ses armes en l’adossant à un système de valeurs idéologiques, politiques, économiques, sociales, plus élevé que le mur de Berlin. On peut souhaiter la fin des blocs, et c’est mon cas, mais on ne peut en faire fi. Notre appartenance à l’Alliance atlantique, alliance défensive qui s’exerce à l’intérieur d’une aire géographique délimitée : Atlantique nord, Europe, Méditerranée occidentale, découle de la situation créée en 1945 par la percée de l’armée soviétique en Europe. Ceux qui ont vécu la guerre et l’immédiat après-guerre ont éprouvé cruellement la rupture puis l’affrontement qui ont opposé, sur notre continent, deux mondes, rejetant, de part et d’autre de la ligne de partage, des civilisations-soeurs, déchirant des affinités séculaires. À l’heure du choix, où se trouvait la liberté ? À l’Est ou à l’Ouest ? Des millions de
Français, qui avaient soif d’une justice sociale trop longtemps refusée par les classes dirigeantes, l’attendaient de Moscou. Des millions de Français, pour qui la liberté était avant toute chose celle d’aller, de venir, de s’exprimer, d’écrire, de se réunir, de s’associer, de voter, de pratiquer sa foi, tous principes élémentaires de droit public, sentaient, savaient, fussent-ils également prêts à lutter pour que notre société complétât ses conquêtes du Front populaire et de la Libération, qu’elle ne leur viendrait pas d’un système qui, par essence, les niait. J’étais de ceux-là. (…)
Après leur victoire commune de 1945, Américains et Russes, désormais rivaux et lancés dans la course à l’armement et au surarmement, grimpèrent tour à tour l’échelle de perroquet dont le dernier barreau se situe dans l’espace.
François MITTERRAND, Réflexions sur la politique extérieure de la France, introduction à