Hernani
Avoir l'abîme là ! malheureux ! Qu'ai-je en moi ? être empereur ! Mon dieu ! J'avais trop d'être roi.
Certes, il n'est qu'un mortel de race peu commune
Dont puisse s'élargir l'âme avec la fortune.
Mais moi ! Qui me fera grand ? Qui sera ma loi ? ...
Qui me conseillera ? Il tombe à genoux devant le tombeau. Charlemagne !
C'est toi !
Ah ! Puisque Dieu, pour qui tout obstacle s'efface,
Prend nos deux majestés et les met face à face,
Verse-moi dans le coeur, du fond de ce tombeau,
Quelque chose de grand, de sublime et de beau !
Oh ! Par tous ses côtés fais-moi voir toute chose !
Montre-moi que le monde est petit, car je n'ose
Y toucher ; apprends-moi ton secret de régner,
Et dis-moi qu'il vaut mieux punir que pardonner,
N'est-ce pas ? ombre auguste ! Empereur d'Allemagne,
Oh ! Dis-moi ce qu'on peut faire après Charlemagne !
Parle, dût en parlant ton souffle souverain
Me briser sur le front cette porte d'airain !
Ou, si tu ne dis rien, laisse, en ta paix profonde,
Carlos étudier ta tête comme un monde.
Laisse qu'il te mesure à loisir, ô géant !
Car rien n'est ici-bas si grand que ton néant !
Que la cendre, à défaut de l'ombre, me conseille ! ...
Il approche la clef de la serrure. Il recule. Entrons ! dieu ! S'il allait me parler ! S'il s'éveille !
S'il était là, debout et marchant à pas lents !
Si j'allais ressortir avec des cheveux blancs !
Entrons toujours. Bruit de pas. On vient ! Qui donc ose, à cette heure,
Hors moi, d'un pareil mort éveiller la demeure ?
Qui donc ? ... le bruit s'approche. Ah ! J'oubliais ! Ce sont mes assassins !
Il ouvre la porte du tombeau qu'il referme sur lui. Entrent de divers côtés plusieurs hommes marchant à pas sourds, cachés sous leurs manteaux et leurs chapeaux.
SCENE III
Les conjurés
Les conjurés. Ils vont les uns aux autres, en se prenant la main, et en échangeant quelques paroles à voix basse.
DEUXIEME CONJURÉ __ Qui vive ?
PREMIER