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Il y a cent ans, Freud fut admis comme spectateur au théâtre des passions hystériques d'une Salpêtrière qui sentait alors le soufre, malgré la rigueur toute scientifique du magistère de Charcot. Dans le rapport qui rend compte de son séjour à Paris, il écrit : « Je subis l'attrait de cette personnalité et me résolus bientôt à ne fréquenter que ce seul hôpital et à ne suivre l'enseignement que de ce seul homme »1. Pourtant il fallait un autre regard que celui du Maître parisien pour deviner que le mal ou le drame aux expressions multiformes, offert à la sagacité d'un aréopage appliqué à en déchiffrer les énigmes, supposait un autre texte, qui n'était compréhensible ni par sa traduction en termes anatomophysiologiques, ni non plus par sa lisibilité directe en lettres, mots ou phrases. Le regard se devait d'interpréter cet infratexte en faisant l'hypothèse des représentations inconscientes. La représentation donnée par l'hystérique à son public médusé était paradoxale : plus celle-ci donnait à voir et moins l'hystérique voyait de quoi il était question. Pour interpréter correctement toute cette sémiologie, il fallait aussi comprendre que la logique, qui gouverne la pen-
p. 109 1* 1987. Contribution à la célébration du centenaire de la visite de Freud à la Salpêtrière (1985). 1. S. Freud, « Rapport sur mes études à Paris et à Berlin », trad. Berman A., in Revue Française de Psychanalyse, 1956, XX, p. 300. 1
sée, y rencontrait sa limite. Car la logique des représentations inconscientes n'est pas celle de la raison scientifique, bien qu'elle ait sa propre rationalité. Certes, le symptôme « faisait signe », mais il était porteur non d'une représentation inconsciente unique mais de représentations inconscientes contradictoires disant à la fois le voeu et son interdiction, sous les travestissements de la condensation, du déplacement, de bien d'autres procédés qui le rendaient apparemment