george dandin
ANGÉLIQUE.- Rentrons sans faire de bruit.
CLAUDINE.- La porte s’est fermée.
ANGÉLIQUE.- J’ai le passe-partout.
CLAUDINE.- Ouvrez donc doucement.
ANGÉLIQUE.- On a fermé en dedans, et je ne sais comment nous ferons.
CLAUDINE.- Appelez le garçon qui couche là.
ANGÉLIQUE.- Colin, Colin, Colin.
GEORGE DANDIN, mettant la tête à sa fenêtre.- Colin, Colin ? Ah je vous y prends donc, Madame ma femme, et vous faites des escampativos [i] pendant que je dors. Je suis bien aise de cela, et de vous voir dehors à l’heure qu’il est.
ANGÉLIQUE.- Hé bien, quel grand mal est-ce qu’il y a à prendre le frais de la nuit ?
GEORGE DANDIN.- Oui, oui. L’heure est bonne à prendre le frais. C’est bien plutôt le chaud, Madame la coquine ; et nous savons toute l’intrigue du rendez-vous, et du damoiseau. Nous avons entendu votre galant entretien, et les beaux vers à ma louange que vous avez dits l’un et l’autre. Mais ma consolation c’est que je vais être vengé, et que votre père et votre mère seront convaincus maintenant de la justice de mes plaintes, et du déréglement de votre conduite. Je les ai envoyé querir, et ils vont être ici dans un moment.
ANGÉLIQUE.- Ah Ciel !
CLAUDINE.- Madame.
GEORGE DANDIN.- Voilà un coup sans doute où vous ne vous attendiez pas. C’est maintenant que je triomphe, et j’ai de quoi mettre à bas votre orgueil, et détruire vos artifices. Jusques ici vous avez joué [6] mes accusations, ébloui vos parents, et plâtré vos malversations [i] . J’ai eu beau voir, et beau dire, et votre adresse toujours l’a emporté sur mon bon droit, et toujours vous avez trouvé moyen d’avoir raison. Mais à cette fois, Dieu merci, les choses vont être éclaircies, et votre effronterie sera pleinement confondue.
ANGÉLIQUE.- Hé je vous prie, faites-moi ouvrir la porte.
GEORGE DANDIN.- Non, non il faut attendre la venue de ceux que j’ai mandés, et je veux qu’ils vous trouvent dehors à la belle heure qu’il est. En attendant qu’ils viennent, songez,